Pour les pratiquants qui travaillent, l’intervalle de temps en semaine est court, entre le départ à l’entraînement et le retour à la maison. Les soirs de juin pourraient être le moment pour faire davantage de kilomètres. Voyons ce que peuvent vous apporter ces sorties longues.
Au coeur du peloton, l’immanquable excuse pour ceux qui finissent difficilement leur sortie ou leur épreuve est : « Je manque de distance. » Cet été, pour les dures et belles cyclosportives de montagne, entre la distance à parcourir pour rallier l’arrivée et les dénivelés, le temps risque de paraître long à certains : six, huit, dix heures de selle, à 30, 20 ou 15 km/h de moyenne ? Les vitesses moyennes en cyclisme sont logiquement inversement proportionnelles aux distances parcourues et aux pourcentages rencontrés sur les parcours. Marc Madiot, ancien coureur et aujourd’hui manager de l’équipe FDJ, était un adepte des grandes sorties d’entraînement. Bien que la formation française se soit entourée d’entraîneurs qui prônent des intensités, le Mayennais préfère le volume : « Il faut faire des bornes ! C’est le B.A.-BA. Pour être capable de rouler sept heures en course, il faut savoir faire sept heures à l’entraînement. C’est pour moi ce qui apporte le foncier. C’est la base qui ne sera acquise que si elle est pratiquée. »
En 2016, renaît de ses cendres l’épreuve Bordeaux-Paris, cent vingt-trois ans après sa première édition : 618 km à parcourir entre moins de 32 ou de 56 heures selon la formule choisie. En 1988, le dernier vainqueur de l’épreuve, quand elle était professionnelle et qu’elle se déroulait en partie derrière derny, fut Jean-François Rault, en 16 h 32 min. Pourtant, pour ce Breton, faire de longues distances pour s’y préparer ne lui paraissait pas nécessaire ! Alors que croire dans ce débat « volume contre intensités », pour être performant dans les épreuves
qui durent longtemps ? Avant de répondre à cette question, il convient d’analyser ce que représentent des sorties d’entraînement pour un cycliste quand il augmente les heures de selle, et de voir si l’effet et les conséquences sont positifs.
Après quoi, vous pourrez trouver le meilleur compromis en fonction de votre pratique habituelle et de vos objectifs.
Quand rouler le soir ?
L’entraînement repose sur le principe de surcompensation. Vous travaillez sur le vélo et vous
videz vos réserves énergétiques. Il faut un temps suffisant, de 24, 36, 48 ou 72 heures selon
le volume et les intensités des sorties, pour récupérer avec des stocks de substrats et d’énergie supérieurs. L’endurance de base tout comme le Negative Split (NS, lire ci-contre) nécessitent 48 heures au minimum de récupération passive ou active avec de courtes sorties, pour bien surcompenser.
Le milieu de la semaine, le mercredi soir ou le jeudi soir, représente donc un bon moment pour eff ectuer ce type de sortie, en vue d’un week-end où vous pourrez soit participer à une épreuve, soit travailler de manière qualitative des intensités plus diffi ciles que l’endurance, comme du travail au « seuil » ou bien de la puissance. Deux sorties par semaine permettent d’entretenir ses qualités physiques. À partir de trois, vous pourrez espérer bien progresser. La sortie d’endurance le soir doit ainsi devenir un grand classique pour ceux qui rêvent des épreuves estivales, même s’ils vont manquer le film à la télévision ! Mais en milieu de semaine, il n’y a rien de bien intéressant au programme…
Endurance de base
Intégrer des sorties de « distance » sans intensité spécifique en début de soirée dans son emploi du temps, quand les jours sont longs et quand on est en bonne condition physique, ne constitue pas un problème ! Vous pouvez en théorie, si vous restez dans la filière aérobie, rouler des heures jusqu’au bout de la nuit, sans vraiment souffrir si vos fréquences cardiaques varient entre 40 et 75 % de votre potentiel. L’unique condition est d’entretenir votre alimentation et votre hydratation de manière régulière. Vous pouvez donc, en sortant du travail, « sauter » le repas du soir ou plutôt le consommer sur le vélo. Préférez une alimentation salée et sucrée avec des petits pains au jambon, puis du gâteau de riz ou de semoule et des fruits.
Ainsi, vos réserves énergétiques « lentes », les sources de carburant sont inépuisables et alimentent la contraction musculaire sans trop occasionner de courbatures. C’est dans ce cas un exercice continu d’intensité modérée. Ce genre de séance en semaine a plusieurs utilités. La première est la récupération. En roulant longtemps, vous récupérez de manière active. Vous éliminez plus vite les déchets et réduisez les contractures d’une épreuve passée ou celles de la dure sortie du week-end par un effort long, mesuré. Il est ainsi souvent meilleur de faire une sortie en aérobie que de s’octroyer une journée de repos… L’énergie pour ce travail d’endurance de base est souvent fournie par la combustion des lipides (graisses). C’est un processus lent qui se fait si la sortie est suffi samment importante. On peut même, par une pratique régulière à ce niveau, perdre du poids. Les puissances, la fréquence cardiaque, la sensation d’eff ort, ainsi que la ventilation sont peu élevées.
Physiologiquement, ce type de sortie ne permet pas de beaucoup progresser. Cela dit, une programmation fréquente de telles séances en milieu de semaine est extrêmement utile pour les pratiquants sous-entraînés, vite saturés ou fatigués physiquement le week-end. Ce sont ceux qui, par exemple, ont la sensation de créer des déchets (lactates) très tôt dans l’eff ort et dont le seuil est situé à moins de 70 % de leur potentiel maximal : ceux qui disent « manquer
de distance », justement. On peut donc qualifi er ces sorties de fond, d’élimination ou de récupération active, ou bien encore de désaturation. À vous de choisir le terme qui convient le mieux à votre situation. Ce sont, de fait, des sorties d’endurance de base quand elles n’intègrent pas d’eff orts spécifiques, si ce n’est ceux répondant au terrain : la fréquence cardiaque ne s’élève que si le parcours présente des côtes, mais celles-ci sont montées « au train » et « à votre main ». Vous écourterez votre nuit si vous êtes un couche-tôt et irez vous entraîner trois heures ou plus en soirée dans la semaine, en juin. Une sieste de 30 minutes le lendemain midi sera la bienvenue.
En résumé :
L’endurance de base, le soir en semaine, est, à la condition de bien s’alimenter pendant les sorties et de faire de petites siestes, un excellent outil pour récupérer activement et repousser ses limites à bas régime. Cela permet également de perdre du poids.
Endurance en negative split (n.s.)
Psychologiquement, faire une sortie longue permet aussi de se rassurer : « J’ai une épreuve de sept heures à venir, je suis capable de faire quatre heures une fois en semaine, cela devrait aller. » Il s’agit de l’un des autres mérites de l’entraînement long. En effet, être capable de faire les deux tiers de la distance ou de la durée d’une épreuve donne des garanties que l’on pourra la finir. Mais ce n’est vrai qu’à la condition que les intensités pendant cette épreuve soient les mêmes que celles de l’entraînement. C’est la raison pour laquelle vous devez penser et vivre de manière spécifique ce type de sortie longue afin de l’optimiser. Du moins les construire pour qu’elles soient plus eff icaces que le « LSD » (Long Slow Distance), comme aiment à appeler certains Anglo-Saxons les séances avec des heures de selle à une allure tranquille.
Vous devez donc gérer les sorties d’endurance différemment selon que l’objectif est de préparer une épreuve cyclosportive ou une randonnée. L’observation de la gestion d’une cyclo, statistiquement, à quelques exceptions près, montre que le profil de l’eff ort, pour ceux qui réalisent de bonnes performances sur les compétitions, est en croissance linéaire concernant les intensités au fur et à mesure du déroulement de l’épreuve. Ils partent tranquillement et plus les kilomètres passent, plus leur puissance augmente, tout comme leur fréquence cardiaque. Cette gestion intuitive se travaille. Elle s’appelle le Negative Split (NS). Ce type d’eff ort qu’on peut dupliquer à l’entraînement est à double dessein.
Reproduire le plus fidèlement possible le schéma de gestion de la cyclo pour que le corps et l’esprit du compétiteur l’intègrent et faire un exercice continu et long d’intensité aérobie progressive, de faible à modérée, puis jusqu’au seuil. C’est un entraînement dit « appliqué ».
Negative split, un exemple
Vous programmez une sortie « longue » le mercredi en fin d’après-midi + soirée de 4 heures. La 1ère heure, mettez le petit plateau sur du plat. La 2e, faites du vallonné en mettant le grand plateau. La 3e heure, sur du plat, vous roulez sur grand plateau. La 4e, vous faites des côtes. Au cours d’une séance en NS, vous gérez, mais le parcours et les braquets vous font progressivement monter en pression. Les glucides sont mobilisés dans le temps et l’utilisation des lipides diminue. Après un certain temps, la fréquence cardiaque augmente et maintient les
apports en substrats énergétiques, ce qui rend plus diff icile la perception de l’effort.
Vous pouvez appliquer des coefficients de ressenti de la difficulté de 1 à 5 sur votre carnet d’entraînement. Une sortie « NS » va de 1 à 4 au maximum, au fur et à mesure du temps. Il convient d’alimenter l’organisme en boisson énergétique. Vous devrez aussi vous habiller de façon à avoir une bonne régulation thermique, pour que la sueur puisse s’évaporer. Les sorties en NS demandent de la concentration dans leur gestion avec le compteur. Elles sont eff icaces pour un cycliste qui veut progresser ! Ce type de sortie permet d’augmenter sa puissance développée pour les eff orts d’intensité modérée. La progression de l’eff ort très linéaire est par ailleurs très « naturelle » et permet de bien s’échauffer. Normalement, vous fi nissez ce genre de sortie assez fatigué. L’effort est usant si vous allez au bout. Vous pouvez débuter avec des fréquences cardiaques et puissances basses et terminer la séance jusqu’à un rythme élevé si vous vous sentez bien. La fin peut se faire à une allure course, sauf les dernières 15 minutes qui doivent être consacrées à la décontraction. Si les fréquences cardiaques à la moitié d’une sortie NS dérivent vers le bas, qu’elles sont diff iciles à augmenter, c’est que vous êtes parti trop vite et avez mal géré votre effort long dans le temps. Après une sortie NS, une ou deux journées de repos sont bénéfiques. Ceux qui font beaucoup d’épreuves à des intensités élevées et souhaitent « marcher » ont régulièrement besoin de ce type de sortie. En préparation d’un objectif, à un mois de celui-ci, les sorties NS peuvent prendre la place des sorties d’endurance de base un soir de semaine. Gérer les efforts en Negative Split signifie donc partir doucement et augmenter progressivement ses allures, ses braquets, sa puissance. Toutes les 30 minutes, vous pouvez faire un mini-sprint marqueur de 15 secondes pour passer un petit cap dans le coût énergétique de la demi-heure qui suit.
En résumé :
La sortie d’endurance de base en semaine fait place à celle de Negative Split, en phase de préparation d’un objectif. Elle se gère à l’aide d’un cardiofréquencemètre. C’est une gestion progressive des efforts qui prépare à celle que vous aurez à affronter lors des épreuves.
En montagne, doit-on pédaler assis ou en danseuse ?
Cela peut paraître étonnant, mais concernant les études réalisées, lors d’exercices aérobie intenses comme dans un col, ni le rendement brut ni l’économie ne sont diff érents entre les deux positions sur le vélo, que ce soit avec ou sans pente. La position en danseuse permet juste de développer une puissance mécanique externe plus importante si besoin et de passer, par exemple, de fortes rampes quand, assis, on ne le peut pas. Le corps est un dérailleur et vous pouvez jouer avec en vous dépliant ou en vous asseyant comme bon vous semble, cela ne change rien à l’effort enduré. Comme pour la position sur le vélo, vous pouvez donc individualiser votre style et faire comme vous le sentez.