Rouler et progresser en une heure seulement, voilà un sujet de débat qui a fait rage à la fin des années 1980. Aux traditionnels directeurs sportifs et anciens coureurs qui prônaient, par empirisme, de ne cumuler que des kilomètres et des heures de selle à allure « diesel », en « volume », se sont opposé les premiers entraîneurs de l’ère moderne qui travaillaient avec des cardiofréquencemètres. Ces derniers ne juraient que par des sorties individualisées, brèves et intenses, avec des seuils d’eff ort et des contenus précis.
C’est ainsi que, progressivement, la « quantité » de l’entraînement n’a plus prévalu, au profit de sa qualité.
Aujourd’hui, certains champions du monde sur route professionnels actuels s’abstiennent de la traditionnelle sortie en groupe de sept heures terminée par deux heures de « derrière scooter », le mercredi précédant l’épreuve. Ils roulent dorénavant deux heures seuls en faisant des séries de sprints courts.
De même, on considérait qu’une saison pro avec moins de 35 000 km au compteur annuel était insuffisante.
À présent, la plupart des meilleurs pros totalisent moins de 28 000 km. Ils travaillent intensément en qualité, en connaissant le contenu précis de chacune de leurs séances. Ils récupèrent davantage. On n’évalue donc plus seulement l’entraînement par rapport aux heures de selle et au nombre de kilomètres, mais par rapport aux watts, à la fréquence cardiaque, à la fréquence de pédalage. Il est devenu légitime de faire quelques séances courtes, jugées efficaces au niveau physiologique, même en moins de 60 minutes. L’hiver est une période idéale pour insérer dans son emploi du temps ce genre de sorties, qui sont de plusieurs types. Elles permettent également de travailler des aspects physiques précis.
Quand et comment ?
Réaliser une séance d’environ une heure, échauffement et retour au calme (RC) compris, est possible pratiquement tous les jours de la semaine, même quand on est père de famille avec un travail prenant ! Il faut juste s’organiser.
Différents créneaux s’off rent à vous : le matin, le midi à la pause ou en début de soirée. Les effets sur la récupération ne sont pas tout à fait les mêmes selon le moment de la journée. La séance du matin nécessite de se lever un peu plus tôt et de tenir compte du fait que vous devez, ensuite, éviter une activité trop dure physiquement. Suivi d’une douche rapide, ce « réveil musculaire » peut mettre en forme pour la journée.
L’entraînement du midi demande une organisation bien huilée. Après une bonne suée, prenez un repas rapide, préparé à l’avance, après la séance.
Le soir, idem, il ne faut pas perdre de temps mais rester zen. La nuit tombe vite. La douche et l’en-cas qui suivent permettent de garder sa soirée et de récupérer avant la nuit, car il est déconseillé de passer directement du vélo au lit, tout comme il faut éviter de passer du dîner au lit. Certains s’organisent pour faire ces entraînements en se rendant sur leur lieu de travail à vélo ou en revenant de celui-ci, en faisant un petit crochet. Quelle que soit la solution adoptée pour y parvenir, il faut inclure ces entraînements (deux au moins par semaine, c’est bien) dans votre emploi du temps et vous y tenir tout l’hiver, du moins huit semaines durant. Vous pourrez ajouter une sortie plaisir plus longue le week-end, selon vos objectifs de l’année prochaine. Chaque séance doit également comprendre 30 minutes de qualitatif et d’intensité. Vous pouvez vraiment « travailler » votre organisme avec des contraintes auxquelles il s’adaptera. Car vous commencerez l’heure systématiquement par un échauff ement et finirez par un retour au calme de 15 minutes chacun. Il reste donc bien 30 minutes pour « bosser »,
mais cela passe vite et c’est agréable. À vous de réfléchir sur le contenu qualitatif de ces 30 minutes, avec des objectifs diff érents et un seul thème par séance. Vous n’avez plus qu’à choisir ceux dont vous avez le plus besoin et les travailler régulièrement, deux ou trois heures par semaine selon votre emploi du temps. Dans tous les cas, la régularité vous assurera de faire progresser votre niveau physique.
L’entretien physique
La phobie hivernale du cycliste est la prise de poids. Une activité régulière courte vaut mieux que certaines privations. Les séances d’une heure sont donc adaptées. Vous pouvez essayer de rouler, vraiment à faible intensité, à jeun le matin. Dans ce cas, il faut supprimer les petits sprints d’échauffement en fin de protocole et surveiller son cardiofréquencemètre pour toujours être en deçà de 50 % de son potentiel, en « lipolyse ». Ce n’est pas distrayant, mais deux ou trois fois par semaine, ce type de séance permet de fondre un peu si vous ne faites pas d’excès à côté. Mieux vaut peut-être viser l’entretien simple des qualités d’aérobie après le petit déjeuner ou pendant la journée. L’idéal est de trouver un parcours avec des repères et, surtout, dans la phase qualitative de 30 minutes, d’avoir une belle côte que vous grimperez, selon sa longueur, plusieurs fois. Pas besoin de surveiller votre compteur pour cet entretien. Vous roulerez « aux sensations », c’est-à-dire que, selon votre humeur et forme du jour, sans réfl échir, sans calculer, vous prendrez du plaisir à rouler une demi-heure. Néanmoins, n’hésitez pas à vous « rentrer dedans » dans les bosses. Invitez parfois des copains.
Rythme et seuil
Nous vous invitons également à travailler le thème du « rythme » et du « seuil ». C’est un entraînement de base qu’il faut faire a minima une fois par semaine toute l’année. Pour cela, vous devez connaître à peu près votre limite cardiaque au-delà de laquelle vous vous mettez
dans le rouge. Cela correspond à une fréquence cardiaque qui tourne autour de 75 à 85 % de son potentiel selon le niveau du cycliste.
L’exercice consiste à maintenir un effort de manière stable au niveau de votre fréquence cardiaque, comme si vous étiez échappé. Pour commencer, la première séance, vous pouvez faire 3 séries de 5 minutes entrecoupées par 5 minutes cool. Puis, 2e séance, [2 x (10 min / 5 min)]… pour finalement faire 30 minutes rythme-seuil in extenso. L’idéal est de trouver un parcours assez linéaire avec des repères.
Vous pourrez constater votre état de forme sur ce parcours étalon toute l’année, à une fréquence cardiaque la plus fixe possible, à 155 bpm (battements par minute), par exemple.
Vous comparerez ainsi vos vitesses moyennes. Vous pouvez inclure une longue bosse « étalon » dans ce travail de seuil indispensable, qui fait progresser votre rythme. De même, il est excellent de rouler à l’abri du vent à plus de 50 km/h.
Le pédalage
Beaucoup se plaignent, durant la saison, de manquer de vélocité ou de « giclette ». Cet aspect technique se travaille seul. Rares sont ceux qui tournent naturellement les jambes à 100 tours par minute sur le plat. Faites [3 x (5 min à 100 Rpm / 5 min de récupération)]. Forcez-vous à pédaler à cette cadence. La séance suivante, faites [2 x (10 min avec 10 min de récup)], puis 20 minutes in extenso, puis 30 minutes à la 4e séance. Vous verrez, c’est un exercice physiquement intense. Pour travailler l’aspect neuromusculaire, un autre excellent exercice, original et efficace, est de ne pédaler pratiquement que d’une seule jambe par petites séquences d’une minute, sur un braquet réduit, si possible en faux plat montant.
Vous pouvez par exemple programmer dans votre demi-heure [10 x (1 min jambe droite / 1 min avec les deux jambes / 1 min jambe gauche)]. La jambe qui ne pédale pas est en simple appui sur la pédale sans agir, ou bien déchaussez carrément votre pied et laissez-le à l’écart.
Vous pouvez également essayer des exercices de 30 secondes de survélocité au-delà de 120 Rpm toutes les deux minutes. Le tout est de bien « fixer » le bassin sur la selle, avec les mains en position ferme sur le cintre.
La musculation
Emmener un gros braquet par séquences est plus bénéfique, au niveau du tonus, qu’une séance en salle où vous soulevez de la fonte dans l’espoir de vous muscler. Le vélo peut devenir un sacré appareil de « muscu » ! Après l’échauff ement, mettez beaucoup de braquet pendant 2 minutes, assis ou en danseuse, sur terrain plat ou en bosse, puis enchaînez par 3 minutes « tout à gauche », en vélocité. Renouvelez l’opération six fois durant les 30 minutes : [6 x (2 min « muscu vélo » ou « MV » / 3 min vélocité)]. La séance suivante, faites [4 x (4 min MV / 6 min vélocité), puis 3 x (5 min MV / 5 min)]. Vous pouvez aussi réaliser des séquences de musculation vélo de 1 min en force. Plus les séries de MV sont longues, moins vous « tirerez » de braquet. Ces séances puisent dans les réserves au niveau musculaire. Mangez des protéines le soir. Si vous avez trop de contractures, relaxez-vous dans un bain le soir ou faites-vous masser… La MV peut être aussi assez dynamique. À vous de choisir le braquet dynamique ou en force.
La puissance
Certains coureurs ont du « jump ». Ils peuvent sprinter en supportant les déchets musculaires sans être forcément sprinteurs. Ce jump se travaille dans la filière anaérobie proche du maximum de ses capacités en fréquence cardiaque, en opposition à celle d’« aérobie », anciennement appelée « endurance ». Ceux qui ne travaillent pas cet aspect ne peuvent accélérer franchement pendant les épreuves de la saison ou lors des sorties entre copains. C’est une grosse carence. Pour y remédier, des sorties de « court-court », par exemple avec trois séries de [6 x (12 secondes de sprint / 46 s de récup)] suivies de 4 min aérobie, apportent ce jump. Les séries peuvent être découpées en 15 s / 45 s ou en 30 / 30 quand on se sent en forme. On doit avoir une progression, tant dans le nombre de sprints que dans la réduction du temps de récupération entre les séries. Si les jambes font trop mal, il faut arrêter. Sur le cardiofréquencemètre, les pulsations cardiaques doivent monter plus haut que lors du sprint précédant, sinon il faut aussi arrêter les répétitions.
Échauffement et retour au calme
L’échauffement et le retour au calme de 15 minutes doivent répondre à un certain protocole.
Pour l’échauffement : pédalez 5 minutes avec le petit plateau en tournant les pédales progressivement jusqu’à 100 tours par minute. Réalisez 5 minutes avec le grand plateau si c’est plat pour arriver à sudation. Pendant les 5 minutes restantes, faites deux, voire trois
minisprints espacés de 12 à 15 secondes.
Pour le retour au calme : pédalez 5 minutes avec le petit plateau et 8 minutes à 60 % du potentiel avec une fréquence cardiaque stable, en « tournant » bien les jambes mais sans forcer musculairement. Prenez le temps de faire 2 minutes d’étirements, surtout des jambes. Puis douche rapide si possible ou nettoyage au gant, avec toujours une bonne hydratation.
Est-ce que la psychologie se travaille pour être performant ?
Être content de soi, relativiser ses échecs, considérer que ce qui est dur n’est pas pénible mais appréciable, dégager les aspects et anecdotes enthousiasmants d’une pratique plutôt que considérer les aspects contrariants, c’est un travail de tous les instants ! Le cycliste lambda se sous-estime d’ailleurs souvent. Il est pourtant sûr que la psychologie est un moteur à la performance. L’idéal est donc de s’entourer de gens proches, de personnes qui vont dans le même sens que vous, et d’en discuter, bien sûr, de manière positive. Il s’agit de parler de ses diff icultés, d’en faire des moteurs en mettant en place des résolutions pour les résoudre, même en étant exigeant, avec des soutiens souriants. La psychologie aide le physique !