Pour être bien posé sur un vélo, dans les précis de cyclisme, selon les standards, on calcule son entrejambe et on multiplie par 0,85. Le résultat donnerait une « bonne » distance de l’axe
du pédalier au haut de la selle. Pour reculer plus ou moins celle-ci, choisir une longueur de potence et régler la hauteur du guidon, on met les mains en bas du guidon et les pédales horizontales : le coude devrait venir effleurer le genou. Le dos est censé être plat. Il suff irait alors de baisser la tête pour avoir l’air d’un coureur…
Cette méthode de réglage, qu’on applique indiff éremment à chacun, est empirique et statistique. C’est comme si, pour l’entraînement, on disait à tout le monde : lundi, deux heures de vélo en récupération active, mardi, trois heures avec du braquet, mercredi, grande sortie, etc. Rien dans ces deux cas n’est individualisé ni ne tient compte du potentiel et des besoins
de chacun. Pour la position et la manière d’utiliser son vélo en réglant les appuis, beaucoup
d’éléments peuvent être optimisés. En tout cas si l’on étudie ses propres particularités. Démonstration avec Sébastien Le Bras, un podologue du sport qui exerce à Brest (29).
Son métier est de comprendre et d’agir sur l’ensemble du corps, d’étudier la posture dans son environnement. « Vita in motu », la vie est dans le mouvement ! L’analyse d’un cycliste qui pédale et les adaptations concernant sa position se font donc en dynamique, en observant l’activité spécifique du sportif. Sébastien Le Bras travaille dans de grands espaces, avec une piste d’athlétisme bourrée de capteurs pour les coureurs à pied. De même, il équipe les cyclistes et leur vélo de route ou de contre-la-montre avec des jauges de mesure. Les salles sont tapissées d’écrans sur lesquels s’aff ichent les données de tous les gestes, selon leur direction, force, vitesse, puissance, en 3D. Des logiciels spécifiques traitent ces données. Ce podologue a rencontré son premier cycliste en 1994, qui souff rait du genou uniquement en pédalant. En le filmant sur son vélo pendant l’effort, il a compris l’origine de sa douleur. Elle était mécanique, ou plutôt biomécanique, et influencée par des anomalies d’alignement de son genou et de son bassin. Après quoi, les solutions relevaient du bon sens. Les résultats sont très vite satisfaisants, non seulement pour arrêter la douleur, mais aussi pour l’eff icacité du pédalage. On peut ainsi augmenter son rendement de manière assez exceptionnelle, en comprenant comment la nature musculaire et biomécanique, très différente d’un individu à l’autre, s’adapte sur le vélo. Pour Sébastien Le Bras, le bouche à oreille a suffi. Pascal Lino, Gérard Rué, Laurent Madouas, Éric Berthou, Jean-Cyril Robin et d’autres sont venus le consulter, puis Voeckler, Guesdon, Fédrigo… pour renforcer leur performance ou soulager d’éventuelles douleurs.
La signature du coureur
Pour bien comprendre la motricité d’un sportif en situation, il faut des outils performants. Sébastien Le Bras a développé des systèmes avec des caméras haute vitesse, des capteurs et jauges de contraintes pour analyser les « signatures » de pédalage des cyclistes. Car chacun pédale différemment selon son corps et on peut le reconnaître à sa manière de pédaler. Il suffit ensuite d’adapter position et vélo et de voir comment être le plus efficace possible, sans contraintes mais avec ses propres sens de poussée, de retenue, d’ouverture du bassin, des genoux, de placement en course, etc. Nous sommes tous différents, avec des manières distinctes de pédaler, de marcher ou de courir. On le voit au sein du peloton. Qu’on chausse du 38 ou du 47, qu’on soit râblé ou filiforme, on peut développer les mêmes puissances. Seulement, si on impose à tout le monde la même façon de pédaler et d’être assis sur Abonnements Anciens numéros Bagagerie Horlogerie Librairie Objets pratiques boutique.movepublishing.com La boutique un vélo, certains ne parviendront pas à suivre. Nous faisons les mêmes gestes, mais pas en privilégiant les mêmes chaînes musculaires. C’est ce qu’on appelle les « préférences motrices », révélées par les neurosciences. Cyrille Gindre (société Volodalen), qui collabore avec Sébastien Le Bras, explique par exemple les notions de « terrien » et d’« aérien ». Ceux qui ont un coup de pédale aérien donnent l’impression de ne pas appuyer sur les pédales, mais avancent. D’autres coureurs, posés différemment sur un élo réglé différemment, roulent en écrasant les pédales. Ils sont tout aussi efficaces, même si c’est moins esthétique à l’oeil ! Le résultat des études posturales présente le meilleur compromis entre la biomécanique, la physique et les préférences motrices de l’individu. Ensuite, Sébastien Le Bras joue avec la gravité des chaînes tendineuses et musculaires, ou permet d’accompagner cette gravité par une position adaptée, et délivre des conseils pour « appuyer sur les pédales ». Pour mieux comprendre les résultats pratiques, nous avons pris l’exemple du professionnel Yoann Offredo (voir page suivante).